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le Huit au Féminin

Préambule

L’aviron est avant tout un sport masculin: il est né d’une tradition aristocratique en Angleterre qui réservait la pratique de l’aviron aux hommes, mais aussi sur les côtes atlantiques en France parmi les sauveteurs et sur les rivières parmi les pêcheurs et les mariniers. La pratique de l’aviron est née de loisirs masculins et de métiers d’hommes.


Même si l’aviron féminin s’est développé considérablement depuis, il n’a jamais rejoint en notoriété et en nombre de pratiquants l’aviron masculin. Sur son site Web, à la rubrique HISTOIRE, la Fédération Française des Sociétés d’Aviron ne mentionne qu’un seul équipage féminin (médaillé aux Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996) : deux noms féminins pour 40 noms masculins dans un article qui vise à retracer les grands événements de l’histoire de l’aviron français. A l’Aviron Bayonnais, après des titres nationaux juste après-guerre, la pratique de l’aviron de compétition féminine a totalement disparu jusqu’au milieu des années 80, peut-être sous l’influence inconsciente mais incorporée de l’image virile de ce sport et, pour ce club, de son illustre lien avec le rugby, sport viril par excellence.


Au cours de l’hiver 2005-2006, l’Aviron Bayonnais a entamé une opération coup de coeur: préparer un huit féminin senior pour les championnats de France sprint (« critérium senior » sur une distance de 1000 mètres). Sous l’impulsion d’un entraîneur expérimenté et dynamique qui a convaincu des anciennes rameuses de reprendre la compétition pour se joindre à de jeunes juniors motivées, une émulation s’est établie entre les jeunes et les anciennes. L’ambition est d’obtenir sur deux ans (2006 et 2007) une médaille en Huit aux championnats de France senior féminin : l’Aviron Bayonnais renouerait ainsi avec son prestigieux palmarès.


Le projet ne consiste pas tellement à remporter une médaille comme on remporterait une bataille et que l’on se satisferait éternellement de cette gloire, comme les généraux et stratèges de la Grèce Antique qui étaient nourris jusqu’à leur mort au Prytanée en glorification de leurs victoires passées.


Le projet consiste bien plutôt à lancer une impulsion nouvelle, un coup de génie : le génie c’est celui qui crée une oeuvre originale qui incite à l’imiter et la reproduire. Il s’agit donc de donner un élan pour vivifier la pratique de la section aviron dans son ensemble, cet exemple pouvant relancer la pratique féminine chez les jeunes mais aussi l’aviron masculin.
C’est cette aventure faite de rencontres et de défis que l’on voudrait mettre à l’honneur, non pas seulement pour ce qu’elle est ou fait mais aussi et surtout pour ce qu’elle appelle et annonce.

 

Rencontres


Générations


Le Huit féminin qui s’est constitué à l’Aviron Bayonnais est un équipage fait de rameuses juniors (17-18 ans) et seniors expérimentées (entre 25 et 35 ans). Des jeunes lycéennes et des femmes impliquées dans la vie professionnelle de longue date et même pour l’une d’entre elles mère de deux enfants. Les générations échangent et se complètent, un lien se crée qui donne aux plus jeunes un modèle de construction de soi et d’intégration à la vie sociale. Les rameuses d’expérience qui ont connu plusieurs clubs et qui ont remporté de nombreuses régates soutiennent les jeunes rameuses formées au club et avides de progresser.


Univers sociaux, culturels et linguistiques


La rencontre entre des univers sociaux différents et lointains n’est possible que dans le sport : dans cette aventure, se côtoient et s’apprécient une apprentie coiffeuse, une comptable, pompier professionnel, fonctionnaire de police, enseignante, lycéennes et chef d’équipe dans un laboratoire pharmaceutique. Une canadienne, maître assistante en Anglais, s’est jointe au groupe et donne à l’équipage une dimension internationale conviviale et chaleureuse. Les anciennes rameuses ont ramé dans des  clubs différents et viennent apporter l’esprit et la culture de ces clubs qui s’harmonisent et forment un esprit nouveau.


Des hommes et des femmes

Les aventures humaines se nourrissent toutes de la rencontre d’hommes et de femmes et cette aventure n’y échappe pas: en 2006, l’équipe féminine était barrée par l’entraîneur-adjoint Thomas Gonzalez, qui depuis son siège tient les commandes de la direction du bateau, mais surtout, il impose les consignes de la tactique de la course et relance l’équipage au moment où la fatigue se fait sentir.

Le barreur doit peser au minimum 50 kilogrammes et tout poids supplémentaire est un désavantage. Thomas dépasse nettement ce cap, alors en 2007, l’équipage sera barré par un garçon du club, Cédric Cubizolle : l’Aviron Bayonnais tient à ce mélange unique masculin/féminin en faisant barrer les équipages féminins par un homme et masculins par une femme.

Cédric Cubisolle est passionné d’aviron, mais un handicap l’empêche de pratiquer ce sport au plus haut niveau en ramant, cependant son sens de la course et son enthousiasme sans égal en font un barreur de grande qualité.

Enfin, l’entraîneur Hervé Brousmiche est celui qui a permis la réalisation du projet : il fallait son savoir-faire pour faire progresser des rameuses si différentes, et surtout sa joyeuse diplomatie pour ne pas tout laisser tomber dans les moments de doutes. Outre Thomas Gonzalez qui le seconde, l’encadrement est soutenu par Christine « Kiki » Celhaiguibel qui apporte son expérience d’ancienne rameuse de haut niveau.

Sensations


L’aviron est un sport de glisse par excellence. Ainsi, au quotidien la rameuse est en perpétuelle recherche du geste le plus épuré, le plus parfait. Cette quête repousse les limites techniques, physiques et mentales, optimisant l’harmonie ressentie avec son bateau. Elle favorise l’expression de l’intelligence du corps : grande technicité, parfaite coordination, fine sensibilité pour « accrocher » l’eau à sa pelle et en faire son allié dans l’amplitude et la qualité d’appui, pour lâcher prise, « libérer » cette coque sans entraver son mouvement de glisse. En course l’immense difficulté est de préserver cette sensibilité jusqu’à la ligne d’arrivée malgré la débauche d’énergie.


Le huit, embarcation qui accueille en son bord le plus grand nombre de rameurs offre toute la quintessence de ces sensations de glisse et de dépassement. Son alchimie allie puissance et raffinement, vitesse et maîtrise, souffrance et ivresse, individualités et solidarité. Le huit unit les contrastes les plus marquées, décuplant ce sentiment fort d’exister.

Défis


Championnats de France


Le projet ne pouvait avoir de sens qu’avec un objectif précis et ambitieux, une difficulté à surmonter qui suppose efforts et détermination, qui oblige à aller plus loin que l’on aurait cru pouvoir. Il est important de rappeler la valeur de la compétition sportive : le fameux démographephilosophe Albert Jacquard, fort de sa notoriété, a publié en 2005 un ouvrage contre les Jeux Olympiques intitulé Halte aux jeux ! valorisant le sport pour le simple plaisir de le pratiquer de façon libre et détendue, réduisant la compétition à une agressivité animale, pulsion destructrice de l’adversaire. Nous croyons au contraire que la compétition sportive met en valeur les qualités humaines les plus essentielles : émulation, détermination, persévérance, communion. Elle se convertit en un laboratoire créateur des valeurs humaines les plus fécondes que le simple loisir ne peut sécréter : il s’agit de s’entraîner tous les jours, aménager son temps de travail, acquérir une discipline, une solidarité, établir des stratégies, poursuivre des efforts. A chaque entraînement, la concentration et la  détermination cherchent la perfection. La conquête d’une médaille devient le symbole matérialisé de ce projet collectif, la preuve de la réussite de cette épreuve.


En 2006, le Huit a gagné toutes les régates interrégionales auxquelles il a participé et est devenu champion du Sud-Ouest. A Mantes-la-Jolie, au championnat de France, le Huit a terminé quatrième de la finale, juste derrière Meyzieu, Toulouse, Reims et devant Marseille : terminer au pied du podium et de quoi donner une impulsion pour continuer l’aventure en 2007.


Pour la saison 2007, l’équipe s’est enrichie du retour d’une ancienne rameuse du club rival de la Société Nautique de Bayonne, d’une rameuse canadienne et d’une bordelaise ex-coéquipière d’une des rameuses de l’équipage: deux équipières réunies à nouveau 10 ans après leur titre de championne de France avec le club de Bordeaux où elles étaient étudiantes. Elles sont maintenant depuis longtemps dans la vie active et se retrouvent pour de nouvelles aventures prolongeant une amitié jamais démentie, mais distendue par la distance et les occupations individuelles : recréer un projet commun permet de redonner chance à une amitié de véritablement reprendre corps et consistance au moment où elle commençait à faner. L’aventure sportive, c’est toujours une aventure humaine: faite de ruptures et de retrouvailles.


Afin de mieux préparer le Huit, les rameuses ont participé cette année au parcours de sélection pour l’équipe nationale : têtes de rivière sur 6000 mètres et courses en ligne sur 2000 mètres en deux sans barreur. Marianne Chassagne et Christine Marchiset ont accompli une véritable performance pour atteindre la finale et terminent sixièmes du championnat. Un deuxième équipage, Marion Bernet et Cécile Campoy, qualifié pour la demi-finale termine au onzième rang national. Quatre rameuses du Huit se classent donc parmi les vingt-quatre meilleures rameuses françaises. Il faut y ajouter la rameuse junior Déborah Wierzbicki qui atteint le vingtième rang en skiff.


Rivalité


L’Aviron Bayonnais nourrit depuis toujours une rivalité avec le club voisin de la Société Nautique de Bayonne. L’Aviron a été créé en 1904 par des dissidents de la Société Nautique, et depuis l’opposition ne cesse de s’exacerber: un défi annuel se tient en Huit masculin depuis les origines. Les régates des fêtes de Bayonne sur la Nive, en plein coeur des fêtes le samedi après-midi, qui se déroulent en Huit masculin seront complétées cette année d’un défi en Huit féminin entre les deux clubs rivaux… il faut dire que face à la performance de l’Aviron, la Nautique s’est elle aussi lancée pour 2007 dans l’aventure du Huit féminin !

Portraits

Toutes les rameuses paient leur cotisation, leur équipement sportif et participent aux frais de déplacement. Elles prennent des jours de congé pour pouvoir se rendre aux compétitions ou tout simplement s’entraîner, elles paient des baby-sitters pour garder leurs enfants et révisent leurs examens en déplacement. L’équipe est composée de 13 rameuses susceptibles d’intégrer l’équipage qui participera au championnat de France 2007 :

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Reviviscence

Une impulsion nouvelle au sein du club


Le projet du Huit au féminin a développé une énergie nouvelle au sein de l’Aviron Bayonnais et des rameurs loisirs adultes ont inscrit leur fille à la section minime, renforçant une dynamique qui a débuté dès l’an dernier. Le club devrait être en mesure de présenter un équipage de bon niveau au championnat de France minime qui se déroulera à Brive début juillet. La municipalité de la ville de Bayonne a consenti à participer à l’effort en achetant pour le club un Huit de fabrication italienne d’une valeur de 30 000 Euros qui a été commandé au cours de l’hiver et qui est attendu pour le mois de mai. L’année dernière, le club a loué une embarcation plus lourde et moins performante pour pouvoir participer aux compétitions. Ce bateau servira aussi aux minimes filles te juniors garçons qui vont eux aussi se lancer dans l’aventure du Huit.


Un modèle à imiter


L’Aviron était le seul Huit féminin de la Ligue d’Aquitaine à Mantes-la-Jolie au championnat de France en juillet 2006, or cette année l’Emulation Nautique de Bordeaux, l’un des tout premiers clubs de France, a constitué à son tour un Huit féminin et la Société Nautique de Bayonne s’est jurée de battre l’Aviron en rappelant d’anciennes rameuses qui ont arrêté la compétition depuis plusieurs années.


Sous la dynamique ainsi créée, la Ligue d’Aquitaine va constituer un Huit pour la Coupe de France des Ligues qui se tient à Vichy fin avril : 3 rameuses de l’Aviron Bayonnais, deux de la Société Nautique, deux de Bergerac et une de Bordeaux ont été sélectionnées. Cela faisait plusieurs années que la Ligue d’Aquitaine ne présentait plus d’équipage féminin à cette compétition pourtant au coeur de la politique sportive de la Ligue.

Perspectives

Ce coup de coeur pour le Huit au féminin de l’Aviron Bayonnais, c’est le miracle de la conjonction de la performance et du plaisir.


Le bateau glisse à la surface de l’eau: ni profondeur, ni élévation, mais glissement à l’interface de l’eau et de l’air, sur la crête.


Quand le bateau prend de la vitesse, le barreur ne peut résister et ne peut s’empêcher de parler: il refuse le mutisme de la nature silencieuse autant que le surcodage des bavardages incessants de la vie moderne, sa voix n’est ni le grognement de la bête sauvage, ni le discours du métaphysicien, mais une clameur : une admiration mêlée de ferveur.

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